UN PORTRAIT PAYSAGE

Pupilla est un texte-paysage qui porte sur Elizabeth Taylor. Pupilla est le portrait dramatique d’un être prodigieux et magnifique, monstrueux et inclassable, échappant incroyablement à toute capture : Elizabeth Taylor. Une femme de mouvement, une femme-siècle qui a voulu “être ce que nous ne savons pas encore, parce que c’est réprimé”.

Qui est-elle ? Une actrice célèbre, née à Londres en 1932, morte à Los Angeles en 2011. Actrice hollywoodienne. Par-delà sa fonction d’actrice, elle fut un phénomène : une star. Elle est un des noms de ce phénomène social massif et englobant qu’est la célébrité. Un être humain emporté dans la marchandisation de la visibilité. Elle fut aussi une vie — pleine de bruit et de fureur. Elizabeth Taylor est comme un carrefour entre un métier d’actrice, une image monnayée ou capturée, et le tumulte d’une vie monstrueuse. Tumulte des relations sentimentales, sexuelles, de l’usage ravageant et toxique de stupéfiants, des prises de positions (notamment sur le SIDA), tumulte du kitsch et du vulgaire, mélange, violence, tapage. Un carrefour — il existe des vies tellement exposées qu’elles en deviennent des carrefours de la vie, pour reprendre ces quelques mots d’Arendt.

Pupilla est un texte qui tisse les différents motifs, aussi réels qu’imaginaires, de cette vie monstrueuse. Comment rendre compte du monstre ? Quelle langue inventer et déployer ? Quelles sont les images de cette vie ? Comment les articuler et les enchaîner ? Pourquoi le mot pupilla ? Ce mot latin veut dire “prunelle”, aussi “petite poupée”. Au fond de la pupille serait dessinée la figure de la petite mère, avec laquelle jouent les petites filles de tous les temps. Les yeux d’Elizabeth Taylor étaient violets. C’est la légende, en tout cas et elle dansait, étant petite.

J’ai proposé à Laure Werckmann, actrice rompue à la théâtralité électrique et exaltée d’Éric Lacascade, de prendre en charge le tumulte de cette langue. Actrice physique, polyvalente, précise, aux multiples dimensions, capable de tous les registres, je sens que son potentiel comme sa profondeur de jeu peuvent embarquer très loin cette langue dans la multiplicité de ses horizons.

Frédéric Vossier